Je rêve de réaliser un film porno.
Bizarre, comme idée ?
Pourtant, je suis une fille à peu près normale.
Enfin, une fille. Une femme. J’ai passé l’âge d’être une fille.
Je suis moi-même consommatrice de porno. Depuis… bien longtemps. C’est comme un sextoy, un « outil » d’excitation, à partager avec son partenaire ou déguster en solo, comme un kinder bueno.
Parce que oui, malgré les clichés, les garçons ne sont pas les seuls à regarder des films de boules. Sauf que nous, les filles, ça ne se fait pas de le dire. Ou faut assumer les jugements qui vont avec. Pas fastoche.
Mais la réalité est là : il y a des filles qui regardent du porno. Mais elles s’en cachent. Parce qu’on parle de porno, là, quand même… c’est sale, avilissant pour la femme, faut être dingo dans sa tête et un peu perverse pour être une fille qui regarde du porno.
Bien-sûr… Des clichés comme celui-là, y en a beaucoup, des milliers. Comme par exemple, que nous, les filles n’avons pas de pulsions sexuelles ou que nous avons moins fréquemment envie que les garçons.
Évidemment… En même temps, à force de rentrer ces idées dans la tête des filles et des garçons depuis la nuit des temps, nombre d’entre eux en sont convaincus. Normal. Ca s’appelle le conditionnement.
D’ailleurs, un des plus gros clichés qui subsiste encore, c’est sans aucun doute celui selon lequel un mec qui couche avec plein de filles est un Casanova, un mec qui assure, alors qu’une fille, c’est quand même un peu une trainée.
Oui, même quand on est féministe, enfin, qu’on défend le droit des femmes, parce que féministe, c’est un peu un gros mot aujourd’hui, donc, même quand on soutient la cause des femmes, franchement, nombre d’entre nous pensons qu’une femme qui multiplie les partenaires, c’est un peu une fille facile…
Mais comment se reprocher de penser cela puisque nous sommes toutes et tous conditionnés depuis toujours à cette forme de pensées?! Et que celles-ci perdurent et laissent des traces, comme un vieux reste de bolognaises au fond d’une casserole.
La sexualité est toujours tabou, les religions la rendent péché. Ce qui m’a toujours fait sourire, c’est que quand même, pour procréer, faut bien faire crac-crac à un moment donné.
La sexualité, c’est, entre autre, la Vie. Et le plaisir aussi. Et franchement, on en a bien besoin de se donner du plaisir en ce bas monde, non?
Alors oui, les choses changent. Mais les mentalités ont parfois bien du mal à suivre, toutes haletantes à courir derrière les idées progressistes, souffrant de nombreuses crises d’asthme : les manifs contre le mariage pour tous nous l’ont bien montré.
Et franchement, en matière de sexualité, on en est à peu près au même niveau. Pas très élevé en matière de liberté. Trop d’interdits qui génèrent autant de frustrations et rendent la sexualité perverse et toute moche.
Pourtant, on en parle, ça, qu’est-ce qu’on en parle !
On tweet, on multiplie les statuts Facebook bien hot, les médias ne sont pas les derniers non plus : ça distribue du conseil à foison, ça étale des corps soit disant décomplexés mais surtout très normés, ça dicte des conduites, des fréquences, des performances.
Mais franchement, nous, les « vrais » gens pas photoshopés, on se retrouve où dans tout ça?
L’amour, la baise, le cul ne peuvent se résumer à une fellation, une pénétration vaginale et annale et une éjac’ faciale. Je n’ai rien contre. C’est le systématisme qui me fatigue. Et c’est la raison pour laquelle mon amoureux, lui, n’aime pas le porno, car il lui manque l’essentiel : l’émotion et le fun.
La sexualité est plurielle, exponentielle. Et tellement belle.
La pornographie est encore majoritairement centrée sur le plaisir de l’homme. Les, encore trop rares, films porno dédiés aux femmes sont centrés sur celui de la femme. Ce dont je rêve, moi, c’est que la femme & l’homme se retrouvent, se cherchent un peu sûrement, mais s’aiment follement, hard’amment.
La standardisation des pratiques, le fait de rester enfermé dans un rapport dominant-dominé et en l’occurrence majoritairement les hommes qui dominent les femmes, c’est lassant. Et tellement réducteur.
Je rêve d’un porno pour tous. Sous-entendez, sexualité pour tous.
D’un porno joyeux, drôle ou pas, soft ou hardcore mais avec de l’émotion. Parce que raconter la sexualité dans un film, c’est carrément de l’anthropologie tellement nos vies sexuelles nous racontent sociologiquement, socialement et historiquement.
Et aujourd’hui, je n’y trouve pas mon compte.
Non, les filles n’aiment pas toutes les mêmes choses, non, elles ne jouissent pas à tous les coups et un rapport sexuel ne prend pas obligatoirement fin à l’éjaculation de l’homme comme le montrent trop souvent les vidéos. Mais oui, nous aimons aussi faire l’amour fort, hardcore, comme vous, les gars. Et comme vous, nous aimons également la douceur, les caresses, les grosses pelles.
Faire l’amour est essentiel et tellement bon. Se faire du bien est vital : individuellement et pour l’ensemble de notre pauvre planète. Jetons les tabous dans la poubelle verte et essayons d’être sincères avec nous-mêmes et donc libres.
Rendons-nous à l’évidence : Femmes et Hommes, nous aimons « ça ». Mais comment savoir ce que l’on aime vraiment si l’on a peur du regard de l’autre, si l’on fait les choses parce que c’est soit-disant comme ça qu’on fait ou encore par systématisme. Nous libérer des jugements, des diktats nous aiderait à marcher vers nous-mêmes.
Et ce que je ne vous ai pas dit, c’est qu’en plus d’être une femme plus qu’une fille, je suis maman également. Choquant ? Ben non, justement. C’est à mon enfant en pleine adolescence que je pense : quelle sera sa sexualité quand on sait que les jeunes font leur éducation sexuelle sur youporn ou xhamster ? Je me dis que ce serait bien de leur montrer que la sexualité, ce n’est pas cette enfilade de positions réglementées. C’est d’abord un partage, une écoute, une aventure humaine, un jeu, intense, drôle parfois. On est tous différents, on n’aime pas les mêmes choses, nos corps ne répondent pas aux mêmes stimuli. Mais rien n’est sale tant que nous le faisons avec une réelle envie mutuelle et dans le respect de l’autre.
Et puis, le sexe sans émotion, c’est comme un malabar bi-goût qui perd sa saveur au bout de 30 secondes dans votre bouche : c’est chiant.
Donnons aux jeunes un coup de pouce pour leurs futurs coups de rein !
J’en profite pour lancer un appel à Mme Najat Vallaud-Belkacem : la réforme des collèges doit être bien plus profonde… Mme la Ministre, l’éducation sexuelle doit à un moment donné dépasser le simple cours sur la procréation ou la vidéo d’un accouchement, assez hardcore quand on en est pleine crise d’acné.
Oui, je rêve de réaliser un film porno.
Et c’est une femme plutôt normale, maman de surcroit, qui vous le dit.
Avis aux producteurs.
Sources images : A la une > L’une des (nombreuses) affiches de LOVE, le film de Gaspard Noé/ Couverture mag Ô Féminin.point.conne