Lorsque j’ai pris connaissance de cette histoire de baisse de TVA sur les protections hygiéniques féminines refusée par l’Assemblée Nationale, mon sang n’a fait qu’un tour. Un coup de sang. Envie de donner des coups de têtes aussi. Il faut que ça saigne.
Produit de première nécessité, ça veut dire quoi ? Larousse me dit : « Besoin impérieux, indispen-sable à la vie humaine. ». C’est vital quoi. L’eau, par exemple. Ben oui.
Mais je découvre que les sodas aussi sont des produits de première nécessité. Ces boissons bourrées d’éléments chimiques et de sucre qui sont entre autres responsables de surpoids, d’obésité et qui entraînent des campagnes de santé publique monumentales et donc un surcoût pour l’Etat.
J’ai entendu : « Il y a d’autres produits en plus des tampons qui mériteraient d’y être aussi. ». Oui, je suis d’accord à sang pour sang. Mais opposer les produits les uns aux autres est stupide et ne fait pas avancer l’histoire. Mais une vidéo de l’Assemblée Nationale au soir du vote de cette mesure montre que c’est également cela qui fout les chocottes au secrétaire d’Etat, Christian Eckert, opposé au changement : si on baisse la TVA des tampons, les transports scolaires vont rabouler et demander la même chose, selon lui ! Re-oui. Et ce serait bien, non? C’est nécessaire de faciliter l’éducation, j’ai bon, là, où ce n’est pas vraiment une nécessité non plus ?!
Et l’argument avancé par le même Christian Eckert sur la mousse à raser pour les hommes, elle aussi taxée à 20%, serait à mourir de rire s’il n’était pas pathétique. Je pense que je serai ok pour sortir avec une barbe, ce qui me donnerait un côté hipster, assez tendance depuis quelques temps. Mais va sortir avec un flux de sang dans ton slip, gars !
Le constat est aussi tranchant qu’une lame Gillette : « la situation des femmes », nos députés et nombre de personnes de la classe politique = ils s’en tamponnent !
Parce que ce n’est pas seulement le taux de TVA en lui-même qui me dérange, c’est le classe-ment.
Ce serait donc un luxe pour les femmes d’acheter des protections hygiéniques ?!
Ces messieurs de l’Assemblée, eux, juste avec leur revenu de députés ou de secrétaire d’Etat au budget, n’ont pas de problèmes de fin de mois. Mais qu’en est-il de moultes femmes ?
Parce que je le rappelle, les femmes gagnent en moyenne encore 30% de moins que les hommes. Pour un même travail. C’est dingue non, d’écrire cette phrase en 2015 ?
Sans parler des 4/5, 3/4 temps, temps partiels, qui font que la femme est fragilisée financièrement. En matière d’emploi, c’est la femme plus que l’homme qui subit la précarité. C’est un fait.
Et la pilule contraceptive, on en parle ? Qui c’est qui raque ? Les gonzesses. Bah ouais, un truc de meufs, la contraception. Elles ont le choix en plus, il y a les préservatifs ! Pourtant, dans une rela-tion « suivie », ce sont aussi les hommes qui n’aiment pas les préservatifs, leurs sensations en prennent un coup, sans mauvais jeu de mots.
Mais ce qu’on ne sait pas, en tout cas pas moi, c’est quels sont les intérêts économiques derrière tout ça. Déjà, le coût de la mesure s’élèverait à 50 millions d’euros. Apparemment, on ne les vaut pas, les filles. N’oublions pas que la TVA est une des plus grandes sources de revenu de l’Etat. Et le marché de l’hygiène et de l’esthétique féminine représente des milliards. Les pressions économiques de certaines industries doivent être aussi fortes qu’une contraction abdominale. Et puis, si les femmes gagnent moins, elles dépensent plus, en matière d’hygiène.
Le conditionnement opérée sur les femmes est tel que nous dépensons, moi comprise, des centaines d’euros par mois juste pour répondre aux critères de beauté de notre société. De l’hygiène, en passant par le prêt-à- porter, sans oublier les épilations, les soins, les régimes et la chirurgie, une mine d’or pour moultes acteurs économiques. La femme est une vache à lait économiquement parlant.
La femme a le choix de dire non à tout cela ? Et bien, va trouver un travail avec les cheveux gras, des racines, une peau dégueu, des ongles cassés et un outfit des années 90 !
Et puis, arrêtons avec ce pseudo « choix » : nous sommes dans une société où l’apparence est tellement importante qu’il n’est pas si simple de seulement faire preuve de volonté.
Et je ne ferai qu’évoquer la « taxe rose » qui consiste à vendre un produit destinée aux femmes plus cher que le même produit destiné aux hommes, comme les rasoirs par exemple.
Je trouve ce Christian Eckert honteux, écœurant. Comme une serviette usagée. Lui, qui a la chance d’être éduqué, aisé (on ne parlera pas là des revenus et multiples avantages des députés et autres hauts fonctionnaires de l’Etat), s’opposer à une mesure pareille ! Je me sens insultée et humiliée. Blessée aussi.
Je n’aimerais pas être sa femme, ses trois filles, sa cousine ou sa mère. Même si ça me permet-trait de lui passer plus facilement un savon.
A noter que mon savon serait aussi taxé à 20%. Parce que non, se laver, ce n’est pas une néces-sité non plus. Juste un rapport à la dignité et à la santé, mais bon. Demandez aux gens en grande difficulté et je veux parler des SDF, ce qu’ils en pensent. Oui, mais c’est vrai, eux aussi, les poli-tiques s’en tamponnent un peu. Et puis, ils sont à l’air libre.
Ça me donne envie de lancer une action, les filles : qu’on garde nos protections usagées et qu’on les balance devant l’entrée de l’Assemblée Nationale. Ce serait un joli spectacle. D’ailleurs, pour info, la billetterie du cinéma ainsi que de certains spectacles vivants et les œuvres d’art sont taxées à 5,5%. Je suis la première à trouver cela très chouette. Mais quand on se met à comparer, quand même…
La connerie, elle est taxée à combien ?
Oui, les règles sont naturelles, même si encore tellement tabou. Rien qu’à en voir la gêne des hommes ET des femmes lors du débat à l’Assemblée Nationale sur le sujet présent, c’est conster-nant.
Comment défendre un thème qu’on aborde du bout des lèvres et avec embarras, telle une député devant une assemblée quasi vide et à majorité masculine le soir du vote? Elle parle avec gêne de « produits particuliers » et qualifie cet amendement « d’amusant ». Cela m’a glacé le sang : on sent que le travail sur le sujet va être laborieux si même les femmes de l’hémicycle ne sont pas à l’aise pour l’aborder.
Il n’y a rien de gênant à parler de menstruations : hello, on se réveille, c’est la vie ! Et c’est très pénible à vivre souvent. Et c’est TOUS les mois. Pas de jours fériés dans le domaine. Pas de répit mais des changements d’humeur, dûes aux hormones, de la fatigue, des douleurs abdominales, dans les reins, des courbatures parfois, voire des maux de tête chez certaines et encore d’autres symptômes plus handicapants chez d’autres. Et puis, la gêne, l’inconfort : ça colle, parfois, ça pue, bah oui, ça arrive aussi.
Et le flux de sang, on en parle ou pas ? Pour ma part, un tampon ne me suffit absolument pas les premiers jours et je suis obligée d’utiliser des serviettes hygiéniques hyper absorbantes en masse dont je bourre mes sacs à main afin de ne pas être prise au dépourvu.
Et puis, surtout, surtout, ne rien laisser paraître, prendre sur soi, pour ne pas passer une pauvre fille geignarde. Jamais, je n’ai arrêté de travailler pendant mes règles. Pourtant, parfois, pas très à l’aise, DarlinG, avec son string et ses costumes moulants sur scène. Ou juste à 8h du mat’ pour accompagner ton enfant au poney. Mais, tu fais avec. Et je ne suis pas la seule. On est des milliards.
Mais je m’interroge. Si les femmes s’offusquent légitimement de cette « sale » affaire » mais iront quand même acheter leurs serviettes et autres tampons le mois prochain, et le suivant, jusqu’à…ouh là…encore longtemps, les garçons, ça ne vous dérange pas qu’on nous traite comme ça?
Plus qu’une cause féministe, c’est pour moi un débat de société.
Ne me dites pas, les garçons, que vous vous en tamponnez ?
Sources images : Image à la une « Eckert m’a tuer – Les femmes il s’en tamponne ! » >> Une créa signée Matthieu Gibson / Femme à barbe >> lechatdorleans.wordpress.com / Taxe rose >> leparisien.fr / La fille au legging taché de sang >> crédit photo Ruki Kaur
Note : Si les photos utilisées ne sont pas créditées au nom de l’artiste, c’est que je ne connais pas l’auteur. Si c’est vous, envoyez-moi un message que je vous remercie et vous crédite !