Kiko-Book le livre culte de Gérard Kikoïne

interview-Gerard Kikoine_Gauloise de Nuits

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Gérard Kikoïne est l’un des plus célèbres réalisateurs français de films X et érotiques des années 1970-80. On lui doit notamment les fameux « Parties Fines », « L’Infirmière », « Dans la chaleur de St-Tropez » , « Le Feu sous la peau ».

Aujourd’hui Gérard Kikoïne se consacre à la finalisation d’un beau bébé de 400 pages retraçant l’ensemble de son parcours intitulé : « KIKO-BOOK, le livre CULte de Gérard Kikoïne »

Anecdotes croustillantes, images presque classées X et mots clés plus qu’explicites, allez c’est parti pour l’interview spéciale Kiko, authentique et coquine !

Vous avez terminé avec succès la campagne de crowdfunding (financement participatif) sur Ulule. en atteignant 111% de votre objectif, bravo, le KIKO-BOOK devient réalité ! Était-ce un projet mûri depuis longtemps ? 

Non pas du tout ! En fait, il y a 3 ans, j’ai dîné avec l’un des mes anciens assistants, qui avait gardé précieusement des diapositives et des photos de tournage, jamais diffusées.
En tout, plus de 500 photos de plateau et de toute l’équipe ! 38 ans après tu te rends compte ? J’ai arrêté de tourner des films d’Amour en 82 (son premier X date de 77),  j’étais submergé par l’émotion, ça m’a remémoré des souvenirs, des lieux… Et c’est mon épouse qui m’a dit : « Il faut en faire un bouquin. »
Un peu plus tard, François Cognard me suggère de voir plus grand qu’une simple filmographie, le Kiko-Book parlerait aussi de mon parcours, de mes carrières, des films qui ont façonné mon amour du Cinéma… Bien sûr, le Kiko-Book, ce sera avant tout le backstage de la fabrication des films, l’attente entre 2 plans, la préparation, les retouches maquillage, les fous rires en off, le cameraman pendant l’action, etc…

Pensionnat de jeunes filles-intw-Kikoine_gauloise-de-nuits-600

C’est un ami qui a écrit la préface, Philippe Coëdel, un fou furieux, qui a trouvé l’expression que j’adore et que je valide : « Gérard, tes héroïnes, elles ont le vagin vengeur ! ».

Je m’explique : les héroïnes à problèmes hantent les 3/4 de mes films. Elles cherchent souvent à se venger, sont parfois schizophrènes, errent dans une histoire et leurs soubresauts font avancer le scénario. C’est le cas pour « Deux sœurs lubriques », « Chaudes Adolescentes », « Journal intime d’une femme en chaleur », etc… et les machos qu’elles rencontrent se font mater, inlassablement.

Par exemple, à la toute fin de « Deux sœurs lubriques », il y a un twist, à la « Citizen Kane ». J’ai toujours été comme ça, j’aime surprendre le spectateur, c’est comme dans la vie, si t’es avec une femme qui ne te surprend pas, c’est chiant.

Qui sont les contributeurs de votre campagne Ulule ? Des amis et des fans nostalgiques pour la plupart je suppose. Avez-vous touché un public plus jeune ? Et les femmes ?
Il y a eu près de 300 contributeurs en tout, des proches que je remercie (et certains qui vont m’entendre !), mais plus de la moitié sont des gens que je ne connais pas.
Il y a beaucoup de fans de Marilyn Jess, et aussi d’Alban Ceray (Deux des acteurs fétiches de Kikoïne qui ont participé à la vidéo de présentation de la campagne, elle déguisée en Infirmière et lui en Baron, c’est un clin d’œil).
Je vais d’ailleurs ajouter un chapitre « témoignage » au livre, car j’ai reçu une lettre d’un homme sur ses premiers émois devant « Chaudes Adolescentes ». Pour les contributeurs plus jeunes, je pense qu’il y en a eu mais je ne peux pas l’affirmer car je n’ai de visibilité que sur des adresses emails.

Et sinon 1/4 des contributeurs sont des contributrices. Une amie a mis 400€ pour ce projet et ça m’a étonné, car nous ne sommes pas intimes -comprendre : nous n’avons pas couché ensemble- (rires).

Intéressant cette contribution féminine, je suis épatée ! Ah oui ? Je vais te dire autre chose : en 2009, « Dans la chaleur de St-Tropez » a été choisi pour clore l’Étrange Festival (renommé Hallucinations Collectives depuis), et sur les 400 spectateurs, il y avait 180 femmes.

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Grande question pour tous ceux qui ont loupé la partie campagne : QUAND SORS LE KIKO-BOOK ? La sortie est prévue pour cet automne. Une boite d’édition m’a contacté quelques jours avant la fin de la campagne. Ils sont passionnés par le projet et ils ajouteront à la somme récoltée pour livrer un produit d’une grande qualité. De mon côté, j’ai encore des textes à finaliser avec mon co-auteur Michel Barny.
Le Kiko-Book fera environ 400 pages avec presque autant de photos « tous publics », mais on a prévu une vingtaine de pages moins « soft » cachées sous blister !
Il est prévu aussi que Brigitte Lahaie (l’une de ses anciennes égéries) me reçoive dans son émission sur RMC quand le bouquin sera sorti.

De l’Amour du Cinéma au Cinéma d’Amour…

Votre premier contact avec le X, c’était à l’adolescence ? Non vraiment pas ! Tu sais, avant d’être diffusés au cinéma, les films X étaient projetés dans les bordels en 16mm, et moi j’allais pas au bordel (rires). Il y avait bien mon frère aîné qui avait des magazines avec des nanas à poil, mais c’était pas du hard.
En 71, je monte « Démons », un film érotique réalisé par l’espagnol Jess Franco, je m’occupais du son, des bruitages, de la musique, je faisais même des créations sonores ! Et j’ai continué de travailler sur d’autres films de Jess Franco, de plus en plus érotiques…
En fait, c’est ça qui m’a donné envie de faire « L’Amour à la bouche » (film érotique de 1974, le premier film réalisé par Gérard Kikoïne). Le genre était plus accessible au niveau budget, il y avait vraiment moyen de s’amuser, et surtout de toucher à l’image ! Pour moi qui n’avait travaillé que sur le doublage et le son, ça a été une découverte : le tournage, la caméra, le montage avec les raccords, les ellipses…

L-Amour a la bouche-1974-Kikoine_gauloise-de-nuits-600

Après « L’Amour à la bouche » qui a bien fonctionné, le réalisateur Claude Mulot vient me voir avec un film, produit par Francis Leroi, qui s’intitule « Le Sexe qui parle », et je monte un porno pour la première fois ! Je suis fasciné, et eux sont ravis de mon travail, je continue donc à monter des films hard.

En 77, je saute le pas et je tourne « Indécences 1930  » qui deviendra par la suite « Parties Fines ». Un succès, 60 000 entrées cinéma sur Paris !

Votre famille, comment a-t-elle réagi ? (Ndlr : Son père et son oncle avaient une société de doublage «Léon et Max Kikoïne», dans laquelle Gérard a débuté à 18 ans comme monteur son, son frère aussi travaillait dans l’entreprise familiale.)

Le Cinéma, c’est vraiment une histoire de famille chez nous. Quand t’as 8-10 ans, tu vois le nom de ton père au générique de fin au cinéma, tu crois que c’est lui qui a fait le film ! (Léon Kikoïne avait tout de même comme clients principaux à l’époque la RKO Pictures et Disney). Le sillon était tracé comme on dit. En 64, je rate mon bac et mon père me fait rentrer dans sa boite. Finies les vacances !! (rires). Mon père a été dur avec moi à l’égard de la cigarette et des horaires, mais pas sur mes choix de carrière. Mes parents étaient très en avance sur leur époque, pas du tout classiques. Certes, ils ne sont pas allés voir mes films, mais je n’ai jamais été jugé.

Un film X fétiche (à part les vôtres) ? J’en ai rarement regardé. Les seuls films que je connais sont ceux que j’ai réalisé, ou monté. Je n’allais pas voir ce que faisait la concurrence, je faisais ce que j’avais à faire ! Quand je tournais, je « partais en vacances » tout le mois d’août en embarquant le scénario du prochain film et toute mon équipe !

Et ça ne vous a jamais tenté de faire l’acteur ? Ah pas du tout. J’ai fait un peu de figuration dans certains films pour me marrer, mais pas besoin de faire de l’acting, j’ai eu une vie intense, sexuellement parlant, merci !

Cathy Menard_ dans la chaleur de St TropezUne anecdote de tournage ? L’actrice Cathy Ménard avait fait l’aller-retour dans la journée pour la scène d’ouverture de mon film « Dans la chaleur de St Tropez ». On a tourné sur la plage de la Voile Rouge, et on avait besoin d’une tête qui sort du sable pour une scène de fellation un peu acrobatique. C’est mon assistant-réal qui avait creusé le trou et installé les planches sous la première couche de sable pour qu’elle puisse tourner la tête (même si je me suis amusé plus tard à raconter qu’elle faisait comme dans « L’Exorciste »).

Et la petite Cathy, enterrée dans le sable, on l’a oubliée, pour aller tourner d’autres plans ! On s’en est rendus compte des heures après !

Toujours pour le même film, il y a eu l’histoire du bronzage : les filles sont revenues rouges écrevisse après la première journée de tournage, et la maquilleuse crisait pour les raccords… mais ce n’était pas une grosse catastrophe car je tournais pratiquement tous mes plans dans l’ordre.

Comment sont perçus vos films par la jeunesse d’aujourd’hui ?
Ils sont très appréciés par les amis de mes fils (24 et 25 ans), ils m’appellent d’ailleurs  » La Légende » ! Sur mes conseils, ils ont vu « Parties Fines » et ils ont adoré !

Ils étaient vraiment étonnés de voir un film en 35mm, avec de vrais personnages, du texte, et aussi .. des poils… qui ont choqué ma voisine (32 ans) à qui j’avais prêté le DVD. Elle a décrété :  « Ils ont des poils, c’est dégueulasse ! »

J’ai une autre anecdote sur le même sujet : On était en 1979, l’une de mes actrices Mika (Barthel) est arrivée le premier jour de tournage avec une épilation ticket de métro… et c’était une horreur pour nous. Désolé pour le cru-parler, mais nous avons du tourner des plans en levrette, pour essayer de cacher ça !

Nous étions des naturalistes. Aujourd’hui ce sont des extrémistes hygiénistes !

Chaudes ados-scene aspirateur_Kikoine_gauloise-de-nuits-600

Vous les appelez vos « films d’Amour », et non X ou porno.
Mais oui, parce qu’ils sont faits avec Amour. Il n’y avait que de l’amour dans cette équipe et ça se ressentait sur le tournage. Hors de question qu’il y ait des gens qui ne s’entendent pas, un réalisateur ça doit motiver ses troupes et emmener son équipe loin ! Et toutes ces personnes m’ont apporté aussi.
On aimait le cinéma par dessus tout, et c’était un genre dans lequel on était libres à l’époque, tout était permis, on faisait des « fantaisies », mais toujours soignées au niveau image et scénario. Par exemple, « Parties Fines » a plusieurs niveaux de compréhension : les rapports SM, consentis ou subis, les inversions de rôles (la Baronne et la bonne, le Baron et le voiturier…), tout cela finement souligné par un montage parallèle décalé… Il y a même un sens caché, mais cela je vous laisse le comprendre dans les toutes dernières minutes du film. (Le fameux twist à la Kiko ?).

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Les gens pensaient que dans ce milieu là on ne réfléchissait pas, mais je faisais des films intelligents. J’appelais ça « mettre de la matière grise dans un scénario », avec des dialogues qui tuent et des cadrages audacieux : je « réfléchissais » leurs fantasmes, tel un miroir.

Pourquoi avez vous arrêté en 82 ? Je voulais faire du traditionnel. En 1983, j’ai eu une commande de Playbloy pour réaliser « Lady Libertine » (érotique, pas porno !) que je te conseille de voir. C’est une production haut de gamme, en costumes, ambiance Angleterre du 19e siècle, tournée en France (au Grand Hôtel de Cabourg entre autres) mais avec un beau budget. Cerise sur le gâteau : la très jolie Sophie Favier au casting, pas encore connue à l’époque…
J’ai également réalisé des fictions pour la télévision : « Dragonard » et « Le maître de Dragonard Hill » avec Oliver Reed, le « Dr Jekyll & mr Hyde » avec Anthony Perkins. Comme je suis monteur à l’origine, je ne fais que les plans dont j’ai besoin, je ne gâche pas la pellicule, et les prod le savent ! 85% des plans que tu vois à l’image, ils sont écrits, et c’est une qualité qui m’a été très précieuse lorsque j’ai bossé dans la pub…

Que pensez-vous des films pour adultes d’aujourd’hui ? Ce ne sont même plus des films, c’est de la vidéo. Les acteurs sont à poil au bout de même pas 5mn, et direct ils se retrouvent en doubles-péné. Il n’y a aucun humour, aucun décalage. Moi je construisais des vrais personnages, je voulais provoquer une émotion chez le spectateur en utilisant des cadres atypiques : des contre-plongées, des plans cassés, etc…

J’appelle ça la torsion mentale le spectateur devait se tordre la tête pour bien voir. Oui c’était « tordu » dans tous les sens du terme (rires). Si c’est pour leur montrer ce qu’ils font toutes les semaines ça ne sert à rien !

Aujourd’hui, les scènes n’en finissent plus (ndlr : parfois 25mn), c’est quand même dingue de s’ennuyer devant une scène de sexe non ?

Les delices du tossing-Kikoine_gauloise-de-nuits-600

Justement, n’avez-vous eu jamais envie de refaire un vrai bon X comme on n’en fait plus ?
Il y a environ 8 ans, Dorcel m’avait proposé un bon scénario, avec beaucoup d’humour, des gens du PAF devaient même faire une apparition (je connais les noms mais je les tairais sur ce blog 😉). Mais ce film ne s’est pas fait, faute de moyens; et moi je ne veux pas faire un film « galère » à budget réduit, tu comprends, je veux rester intègre, par amour du Cinéma (et me faire plaisir !).

Sinon j’aurais adoré tourner un road movie hard à la Thelma et Louise. J’avais une idée précise de scénario avec trois gonzesses, dans le midi…

Touch-Kikoine_Hot-D-Or_Gauloise de Nuits

(Question bonus) vous connaissez Jacquie et Michel ? Ah oui c’est le fameux « On dit merci qui ? Merci Jacquie et Michel ! ». J’aime bien ce côté « humour », mais je n’ai aucune idée de ce qu’ils font, je n’ai jamais regardé l’une de leurs productions.

Ndlr : Effectivement je ne pense pas que ça vous plairait en vrai… c’est assez amateur et parfois un chouïa glauque, mais sait-on jamais… pour ma part on s’ennuie tout de même moins devant un J&M que devant un porno lambda… (je précise que c’est une opinion qui n’engage que moi).

Gerard Kikoine et Marilyn Jess_Kiko-BookJe remercie Gérard Kikoïne pour son accueil. J’ai passé un excellent moment avec un grand monsieur, sincère, souriant, épicurien, que j’avais hâte de rencontrer !

Si vous voulez en voir et en savoir plus, il faudra acheter le Kiko-Book ! Rappel : Sortie prévue cet automne.
Page officielle de Gérard Kikoïne sur Wikipédia.

Crédits photos : Les photos de tournage m’ont été précieusement remises par Gérard Kikoïne.
Pour les autres, je remercie mon ami Nico Poulos.

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